Luna y sol
-Regarde l’arc-en-ciel au-dessus des fontaines !
-C’est marrant le grand jet d’eau est détourné
par le vent et on est tout mouillé.
-C’est pas grave monsieur l’vent, on a pas de rendez-vous urgent ni de costume élégant.
Faut aller là où on se reçoit l’eau en pleine figure, sur ce banc, les vapeurs d’eau de la ville en longs voiles mouvants
Des canalisations des jets d’eau de golf et de marigots, la Huerte prend sa source au mépris du Malecón qui serpent dans sa pampa semi-industrielle, voyez-vous : tellement de luxe
Que je m’en lave les mains
Avec du vin
Et même le Segura n’est pas trop sûr de lui, avec ses familles de canards et de cygnes et ses rejets de vomissure microbienne d’écumes mousseuses comme la salive sèche
Au coin des lèvres ô, pays des conquêtes
Ehontées, une de tes fleurs bleues dans la bouche
Et je pars dans la Rambla à dos d’homme,
D’une sorte de gitan qui connaît ces herbes-là
Et les trois gamins qui chassent l’oiseau avec des chiens
Pour le blesser d’un coup de fusil
Ne le ramassent même pas.
Blessée aussi la chauve-souris dans le labyrinthe d’une rue marchande, un bébé vampire à l’aile cassée rampe maladroitement sur le bord de la chaussée
Peu de gens s’en rendent compte, c’est vrai
Pourtant l’homme au balcon me dit qu’il faut mourir
Si on ne peut plus s’envoler,
Moi je ne sais pas, je vais lire le journal sur les marches du théâtre Romea, c’est comme de laisser un moment son enfant jouer tout seul en s’éloignant, toi tu ne fais rien, toi tu te reposes
Fallait voir le truc arriver avant, un vertige un trou béant
Un bon coup d’cirage de bonnes intentions
Mais y a plus personne au commandement
C’était quoi, une explosion ? dans la tête oui, dans les tripes entortillées et ça n’existe plus
L’orchestre symphonique de Murcia
Ni l’autour de soi ni les oiseaux l’équilibre ou le compás
Quand tu t’effondres dans ces ruelles trop chaudes
Jusqu’à ce que les hommes aux paroles et aux gestes lointains
Te ramènent de par chez eux
Sous les regards et les tropiques aux étranges palmiers
Fíjate esos silencios y esas palabras
Que sólo entenderían bolas de cristal
Te lo diré, con muchos akí, el porvenir
Mientras te vas corriendo pa’ traernos una cerveza
Les jours passent au même visage, entre attraction et répulsion
Enfant-homme enfant-femme
Et de beaux quartiers de bas étages
J’aime le gitan au doux profil, entre jeunesse et vieillesse, fatigue et énergie mais aux antres de la paresse, au diable nos dissociations, nos fantasmes en plein jour : c’est le moment d’aller jouer dans le dédale de nos rues !
Un jour, la réalisation
Ké fuerte kolega
Más vale bien por conocer que mal conocido
C’est bien ce qu’on se dit pour se lever chaque jour, et moi je connais
Tes yeux couleur miel
Tu choisis de vivre selon ta réalité
Y la mía la enterraré muy cristianamente
Aux côtés de tous ceux qui viendront là pour leur dernière requête
En mangenouillant leur hostie à la con
D’une voix d’outre-tombe sortant d’une bouche trop rose
Qui m’enterre de terre de sable de plumes de pigeon,
Point d’interrogation, c’est l’ignorance totale
Et parfois un peu de frustration
De toute façon :
Qui, sera mon p’tit loup
Qui, viendra m’serrer contre sa joue
Et m’embrasser d’un air fou
Si, je rêve de toi, et j’te trouve pas j’te trouve pas
Mi escoba en las paredes le hacía cosquillas a la casa, la fachada polvorienta le daba un aspecto solemne a la terraza donde cenábamos nosotros, príncipes de paso, clamant au nez des policiers en bons videurs de boîte de nuit et leur bien pauvre artillerie « L’amour est une invention poétique, et je m’en moque ! »
La lune sur ton visage, barriendo el suelo con mucha mierda (polvo piedra arena) no haces más que acariciarla
Casa de las palmeras, con soledad
Se oyen lamentos
Escalofríos
Como el ruido de un ratón escapándose detrás de una esquina.
Algún ruido sí, aún casi imperceptible
Algún vuelo de pájaro, una golondrina o un cisne
Alguna resonancia, dentro, fuera, tembla la tierra
Mientras se va la Virgen por el mar paseándose, a mojarse el dedo del pie
Con su escorta de marineros después vuelve
Va a dormir para un tiempo más
En sus prisiones adornadas
De oro y rosas
Luna y sol, deux amours éthérées sous un jour égoïste,
Dans le ciel bleu d’après-midi
Patience on est plus qu’à six heures et demie
De l’été, on est bientôt arrivé
Sur cette lune blanche en plein jour
Passe une mouette
Quand le bleu-vert de la mer
M’absorbe tout le corps, alors ! elle n’est pas bleue la mer, après tout elle n’est que transparente
Luna y sol, los dos a la vez en el mismo cielo, no sé, un prodigio anodino, no sabrán lo que se puede encontrar akí, mira qué mariposa más grande, por suerte el viento en los árboles sigue jugando pero, si ladrillos siguen asfixiando puertas o ventanas, nos encontraremos en la obligación de recurrir a vuestras dinamitas que han destripado nuestras montañas, y tú, ventana, abre tus pulmones ke kiero mirar más allá !
Camas-basculas, columpios en la orilla del mar, hormigas, sin ningún pudor es una vergüenza pero, una mala idea la tiene cualquiera
Les manèges des foires et le vertige des trop grands paysages
Allez, on se kidnappe le temps d’un jour de congés, poursuivis par le Corte Inglés ambulante, car la journée avait déjà commencé en grande chaleur, pour aller s’éteindre au cinéma d’été en grand écran dimension romantico nord américaine ; des lavoirs antiques à San Pedro del Pinatar, où les chevaux à la nuit tombée viennent à la grille pour discuter, y un arroz con leche ! pues, qué te puedo decir ? lo lees muy bien el tebeo, et au bord de l’eau c’est tellement beau quand on vient s’y promener la nuit, l’eau jusqu’aux mollets sur le sable aux rides aquatiques
Mais quand il faut remonter
Ça n’en finit pas
Je brasse l’eau vers le haut l’air l’envers
Du décor
Et je me noie
Luna y sol t’entendront dire une vérité, la deviner, la jouer, la palper du bout des doigts
Après tu m’demanderas :
S’il vous plaît donnez-moi
Des nouvelles du monde
Comment vont l’océan les marées les goélands ? les tours monumentales de la vieille Espagne, cette immense cathédrale, impressionnante avec ses fantômes sarrasins tirant leur révérence sous de grands projecteurs médiévaux
Salut l’orchestre symphonique, invité à la fête
Avec tes costumes noirs tes violons tes trompettes et tes airs graves
Tes chants éclatants
Pour célébrer sous tes octaves
Nos lendemains et pourtant
Pourtant
Luna y sol…
Sous ton seul ciel s’embarquent des bateaux de naufragés
Sous ton seul ciel je révise pour toi mes joies d’été
Sous ton ciel il me prend l’envie de rire
De la peur de brûler nos ailes
Et de n’jamais en finir
Tu vois, je ne sais pas où tu vas atterrir
Mais je peux toujours
T’attraper au vol
Dis-moi seulement que les Sierras d’Andalousie s’étendent encore là-bas
Que des gens y passent le cœur serré
Et d’autres sans se rendre compte
Sans même lever le nez
Tristement à petits pas
Dis-moi au-delà de toute barrière
Et de tes propres combats :
Ma réalité
continue
d’exister
2003 |