Nº21
revista de literatura
 
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creación
 
Laëtitia Soula

 

 

Fugitiva

Voy a sentarme encima del agua
Milagrosamente el pontón flota
Balanceándose con languidez
Y nos acoge a ambos.

Nadie sabe que estás aquí
Nadie sabe tampoco que desaparecerás
Mi secreto.

¿Tu existencia no habrá sido maravillosa?
Insospechada. Yo te hubiera llamado
Fugitiva.

Marsella, 2001

   

Luna y sol

-Regarde l’arc-en-ciel au-dessus des fontaines !
-C’est marrant le grand jet d’eau est détourné
par le vent et on est tout mouillé.
-C’est pas grave monsieur l’vent, on a pas de rendez-vous urgent ni de costume élégant.
Faut aller là où on se reçoit l’eau en pleine figure, sur ce banc, les vapeurs d’eau de la ville en longs voiles mouvants
Des canalisations des jets d’eau de golf et de marigots, la Huerte prend sa source au mépris du Malecón qui serpent dans sa pampa semi-industrielle, voyez-vous : tellement de luxe
Que je m’en lave les mains
Avec du vin
Et même le Segura n’est pas trop sûr de lui, avec ses familles de canards et de cygnes et ses rejets de vomissure microbienne d’écumes mousseuses comme la salive sèche
Au coin des lèvres ô, pays des conquêtes
Ehontées, une de tes fleurs bleues dans la bouche
Et je pars dans la Rambla à dos d’homme,
D’une sorte de gitan qui connaît ces herbes-là
Et les trois gamins qui chassent l’oiseau avec des chiens
Pour le blesser d’un coup de fusil
Ne le ramassent même pas.
Blessée aussi la chauve-souris dans le labyrinthe d’une rue marchande, un bébé vampire à l’aile cassée rampe maladroitement sur le bord de la chaussée
Peu de gens s’en rendent compte, c’est vrai
Pourtant l’homme au balcon me dit qu’il faut mourir
Si on ne peut plus s’envoler,
Moi je ne sais pas, je vais lire le journal sur les marches du théâtre Romea, c’est comme de laisser un moment son enfant jouer tout seul en s’éloignant, toi tu ne fais rien, toi tu te reposes

Fallait voir le truc arriver avant, un vertige un trou béant
Un bon coup d’cirage de bonnes intentions
Mais y a plus personne au commandement
C’était quoi, une explosion ? dans la tête oui, dans les tripes entortillées et ça n’existe plus
L’orchestre symphonique de Murcia
Ni l’autour de soi ni les oiseaux l’équilibre ou le compás
Quand tu t’effondres dans ces ruelles trop chaudes
Jusqu’à ce que les hommes aux paroles et aux gestes lointains
Te ramènent de par chez eux
Sous les regards et les tropiques aux étranges palmiers

Fíjate esos silencios y esas palabras
Que sólo entenderían bolas de cristal
Te lo diré, con muchos akí, el porvenir
Mientras te vas corriendo pa’ traernos una cerveza

Les jours passent au même visage, entre attraction et répulsion
Enfant-homme enfant-femme
Et de beaux quartiers de bas étages
J’aime le gitan au doux profil, entre jeunesse et vieillesse, fatigue et énergie mais aux antres de la paresse, au diable nos dissociations, nos fantasmes en plein jour : c’est le moment d’aller jouer dans le dédale de nos rues !
Un jour, la réalisation
Ké fuerte kolega
Más vale bien por conocer que mal conocido
C’est bien ce qu’on se dit pour se lever chaque jour, et moi je connais
Tes yeux couleur miel

Tu choisis de vivre selon ta réalité
Y la mía la enterraré muy cristianamente
Aux côtés de tous ceux qui viendront là pour leur dernière requête
En mangenouillant leur hostie à la con
D’une voix d’outre-tombe sortant d’une bouche trop rose
Qui m’enterre de terre de sable de plumes de pigeon,
Point d’interrogation, c’est l’ignorance totale
Et parfois un peu de frustration
De toute façon :
Qui, sera mon p’tit loup
Qui, viendra m’serrer contre sa joue
Et m’embrasser d’un air fou

Si, je rêve de toi, et j’te trouve pas j’te trouve pas
Mi escoba en las paredes le hacía cosquillas a la casa, la fachada polvorienta le daba un aspecto solemne a la terraza donde cenábamos nosotros, príncipes de paso, clamant au nez des policiers en bons videurs de boîte de nuit et leur bien pauvre artillerie « L’amour est une invention poétique, et je m’en moque ! »

La lune sur ton visage, barriendo el suelo con mucha mierda (polvo piedra arena) no haces más que acariciarla
Casa de las palmeras, con soledad
Se oyen lamentos
Escalofríos
Como el ruido de un ratón escapándose detrás de una esquina.
Algún ruido sí, aún casi imperceptible
Algún vuelo de pájaro, una golondrina o un cisne
Alguna resonancia, dentro, fuera, tembla la tierra
Mientras se va la Virgen por el mar paseándose, a mojarse el dedo del pie
Con su escorta de marineros después vuelve
Va a dormir para un tiempo más
En sus prisiones adornadas
De oro y rosas

Luna y sol, deux amours éthérées sous un jour égoïste,
Dans le ciel bleu d’après-midi
Patience on est plus qu’à six heures et demie
De l’été, on est bientôt arrivé
Sur cette lune blanche en plein jour
Passe une mouette
Quand le bleu-vert de la mer
M’absorbe tout le corps, alors ! elle n’est pas bleue la mer, après tout elle n’est que transparente

Luna y sol, los dos a la vez en el mismo cielo, no sé, un prodigio anodino, no sabrán lo que se puede encontrar akí, mira qué mariposa más grande, por suerte el viento en los árboles sigue jugando pero, si ladrillos siguen asfixiando puertas o ventanas, nos encontraremos en la obligación de recurrir a vuestras dinamitas que han destripado nuestras montañas, y tú, ventana, abre tus pulmones ke kiero mirar más allá !

Camas-basculas, columpios en la orilla del mar, hormigas, sin ningún pudor es una vergüenza pero, una mala idea la tiene cualquiera
Les manèges des foires et le vertige des trop grands paysages
Allez, on se kidnappe le temps d’un jour de congés, poursuivis par le Corte Inglés ambulante, car la journée avait déjà commencé en grande chaleur, pour aller s’éteindre au cinéma d’été en grand écran dimension romantico nord américaine ; des lavoirs antiques à San Pedro del Pinatar, où les chevaux à la nuit tombée viennent à la grille pour discuter, y un arroz con leche ! pues, qué te puedo decir ? lo lees muy bien el tebeo, et au bord de l’eau c’est tellement beau quand on vient s’y promener la nuit, l’eau jusqu’aux mollets sur le sable aux rides aquatiques
Mais quand il faut remonter
Ça n’en finit pas
Je brasse l’eau vers le haut l’air l’envers
Du décor
Et je me noie

Luna y sol t’entendront dire une vérité, la deviner, la jouer, la palper du bout des doigts
Après tu m’demanderas :
S’il vous plaît donnez-moi
Des nouvelles du monde
Comment vont l’océan les marées les goélands ? les tours monumentales de la vieille Espagne, cette immense cathédrale, impressionnante avec ses fantômes sarrasins tirant leur révérence sous de grands projecteurs médiévaux
Salut l’orchestre symphonique, invité à la fête
Avec tes costumes noirs tes violons tes trompettes et tes airs graves
Tes chants éclatants
Pour célébrer sous tes octaves
Nos lendemains et pourtant
Pourtant

Luna y sol…
Sous ton seul ciel s’embarquent des bateaux de naufragés
Sous ton seul ciel je révise pour toi mes joies d’été
Sous ton ciel il me prend l’envie de rire
De la peur de brûler nos ailes
Et de n’jamais en finir
Tu vois, je ne sais pas où tu vas atterrir
Mais je peux toujours
T’attraper au vol
Dis-moi seulement que les Sierras d’Andalousie s’étendent encore là-bas
Que des gens y passent le cœur serré
Et d’autres sans se rendre compte
Sans même lever le nez
Tristement à petits pas
Dis-moi au-delà de toute barrière
Et de tes propres combats :

                   Ma réalité
                                       continue
                                                         d’exister

 

2003

L’attique du déshonneur

De l’arbre j’atteindrai les branches
Des nuits cristallines tu apprendras
Sur le chemin tu tombes
Sur le chemin attends
Sans passion
Que reviennent les baisers
Qui donnent des frissons
Vol étourdi en temps douloureux
Vent dans les branche s’arrête un peu
Dehors la foule l’absence dedans
Quand les regards glissent et rebondissent autour de soi
Le sentir juste une seconde et tenter de l’oublier
Le reste du temps
Ventre chaud jambes offertes en s’écartant
Corps (im) pressionné

Je porte en mon sein le miroir de ce qu’il me reste
Entre les mains
Loin des rêves sans amour
Sans savoir ni ce que cela peut être
Aux yeux de personne je n’aimerais apparaître

 

2004

Au soir

Quand le vent fait frémir des monstres d’or et de lumière arrachée aux lampadaires silencieux, sur l’eau du sombre canal monstres se jouant des vases stagnantes que l’on devine au fond ; alors la lumière attaque l’ombre, comme un enfant à l’écoute du diable et des dieux de colère ; sourde lumière et son maître vent : sourde aux cris des femmes, maître impétueux et caressant.

La plaza de Santo Domingo

En la plaza de Santo Domingo

Là où l’arbre est très grand
Aussi grand que les immeubles
Y tan poderoso que mató a alguién ese invierno
Ils m’ont dit qu’une branche était tombée

A deux pas de la cathédrale qui saute aux yeux
Au détour d’une rue alors qu’on ne l’y attendait pas
Sur ces places immenses écrasées de soleil
Hay palmeras, bancos para descansar, fuentes
En début d’après-midi quand il n’y a personne
Les rues sont désertes les magasins fermés

Le soleil
Il alourdit tout et la sueur colle à la peau
Sans un souffle d’air parfois
Ils ont beau prendre des douches froides
Dis minutes après ils commencent à transpirer
Y se acostan en la cama
Pour être sûr de ne pas se fatiguer

Mais au soir quand il fait meilleur
On trouve de jeunes clarinettistes
Comme Juan qui me prête son nez de clown
Et Martin le guitariste tchécoslovaque
Que je peux trouver en laissant un mot dans le trou d’un muret
En la plaza de la Universidad

Il y a des points d’eau dans la rue où l’on peut boire
Ou y plonger la tête
Ou se rafraîchir tout le corps en s’aspergeant
Y el agua que sale está cálida
En una pared de la ciudad está escrito con alegría
Abajo el trabajo
Arriba la rumba

Je viens te raconter mon voyage, disaient les amoureux
Elle chuchotant : je t’embrasse très fort mon frère
Même si tu es lointain
Lavée de l’intérieur
Comme en écoutant le bruit alléché des vagues
Comme cette mer l’était, cet océan salé

Cette voyante devenue aveugle
S’en va chercher des étoiles
Là au bas des caniveaux

 

San Pedro, 3 de septiembre de 2001
Día de viento

Poème pour ma mère

En les voyant j’ai pensé
Qu’il manquait quelque chose à ces perles
Pour qu’elles soient vraiment belles
Je les voudrais à ton cou

Me reviennent à l’esprit
Tes yeux noisette que tu soulignes de bleu
Montre donc au monde entier comme tu es belle
Ma douce muette

Un jour tu diras à l’ami :
Au plus tu me défieras de réaliser mes rêves
Au plus j’irai au-devant de tes réalités
Et des plus pures fantaisies
Et à l’enfant déterminé :
Au plus tu tenteras de me rejeter
Au plus je viendrai t’embrasser

Je te dirai Viens, écoute maintenant
Non écoute mieux maman
C’est un soir comme tant d’autres à Murcia
L’accordéon vient de se taire du haut de l’immeuble voisin
Tandis que les éboueurs passent
Avec leur gros camion
Un klaxon, un bruit de moto
Et la lune en est presque
A ses trois quarts de rotation

Le savais-tu ?
Les lumières des foyers sont tellement nombreuses dans la ville
Qu’on ne peut même pas les compter
Les lumières des maisons des immeubles serrés en bloc
Sous la lune qui remplit son ventre
D’un peu de nacre
Brillent en silence.

Murcia, 2001

Ode silencieuse

Ne dis rien
Nous on sait dire bien des choses qui n’ont
Ni queue ni tête
Viendra un jour où nous n’aurons parfois
Rien d’autre à faire qu’écouter un moment
Son cœur battre
Probablement allongé dans l’herbe
Probablement sans penser à grand chose
Qu’à ce cœur au fond de soi

Ne dis rien
Tu pourrais tout briser
Faire dérailler l’Horloge, la grande machine
Tous ses putains de rouages
On pense que tout a été dit
Qu’il n’y a plus rien à dire
Triste muette
C’est alors qu’on cherche à palabrer
Pour se rattraper peut-être
Mais comprends bien : ce n’est pas une course
Que tu mènes
Ecoute : cœur battant

Rappelle-toi déjà l’enfant s’approchait d’elle
En tirant sur sa jupe ; regardait tout autour
D’un œil effaré :
Maman maman on dirait un train en marche
Et que ça ne pourra jamais s’arrêter
Et elle ne disait rien, ne savait consoler

Sois tranquille, ne dis rien
Tout ça n’est qu’une mécanique
Un train électrique sans queue ni tête
Au milieu de la maquette
Une course, d’accord, mais contre qui ?
Regarde : il n’y a personne
Et pourtant je t’ai mis au monde
Disait la mère
Qui grimpa sur le marchepied du train
En disant Bonne vie mon amour
Puis elle est partie, et ses hauts talons soudain
Ne résonnaient plus nul part.

 
 
©Laëtitia Soula, 2014
 
Laëtitia Soula (Marsella-Francia). Francesa de origen español. Estudió literatura española y periodismo. Después de algunos años en España, volvió a Francia y actualmente trabaja como redactora en París. En 2001, un cuento suyo ganó un premio literario organizado por la Municipalidad de Marsella. Los poemas aquí presentados fueron escritos entre 2001 y 2004.
 
 
 
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